Au lycée René Descartes, Thierry Fontaine intervient dans une classe de Seconde pro, accompagnée par leur professeur de français, Moad Doulquarnin. Les ateliers commencent en janvier, juste après les fêtes.

Lors du premier atelier, Thierry Fontaine se présente puis il montre quelques-unes de ses photographies. Il parle d’hybridation. C’est le mot-clé de son travail. Ce sera aussi celui de l’atelier. On ne connaît pas le mot. Le professeur explique. Chez certains élèves, ce mot résonne parce qu’on y entend son rapport au métissage, aux mélange des peaux, des langues, des cultures.
On se met au travail par petits groupes, avec les appareils-photos distribués par l’artiste. La consigne est simple : faire des photos à partir de la notion de métissage. On travaille avec ce qu’on veut, ce qui est là, ce qui nous tombe sous la main, les corps, les objets ou le mobilier. On reste dans la salle de classe ou bien on va dans la petite cour juste attenante. Il y de l’herbe, quelques fleurs, un peu de nature.

Les élèves sont timides, d’abord : ils n’osent pas. Le rôle de Thierry Fontaine est alors, en quelque sorte, de les désinhiber. Il intervient, plus qu’il ne le fait dans d’autres classes, donne des conseils, des exemples et se prête lui-même au jeu du modèle. Ainsi, peu à peu, les élèves composent des photographies, à plusieurs. La plupart du temps, c’est à partir d’elles et d’eux-mêmes, qu’ils créent, de plus en plus à l’aise à mesure que l’heure passe.

Les séances suivantes seront guidées par cette oscillation constante, entre l’excitation et le rejet, la timidité et le lâcher-prise, l’indifférence et la curiosité. Thierry Fontaine fait office d’aiguillon, toujours : à chaque fois il offre de quoi mettre à nouveau en mouvement et à chaque fois, de nouvelles photos arrivent.

Peu à peu on sort de la classe pour explorer les bâtiments. On compose ainsi avec de nouveaux espaces, mais aussi avec de nouveaux objets, ceux que l’artiste amène. Ce sont des objets qui lui appartiennent, qui lui sont chers. Certains viennent de loin. Les élèves en explorent les formes, les usages possibles, y confrontent ou pas leurs propres corps et composent ainsi les images que nous pouvons voir ici : des images profondément métisses.

Au mois de juin, une exposition est organisée dans une petite salle de l’établissement. Les images sont accrochées au mur ou bien défilent sur un moniteur vidéo. Pour l’occasion, le matin du vernissage, les élèves deviennent médiateurs : aux autres élèves venus voir leurs travaux, ils expliquent ce qu’ils ont vécu, expérimenté. Ce qu’on entend alors, dans les voix, c’est que le regard qu’ils portent sur le travail a changé : maintenant, pour la première fois, ils en sont explicitement heureux et fiers.